Lettre 8

Vendredi 5 décembre 2008
Station Concordia
Jour : 22

Enfin, ma fièvre passée après 3 jours à déambuler comme un zombie dans les couloirs de la base, à commater à la salle radio et me retourner dans mon lit toutes les nuits sans fermer l'oeil, me voilà de nouveau en pleine forme. Je traîne encore une toux sévère, mais je suis sur la voie de la guérison. J'avais peur d'être encore malade pour ce jour tant attendu où est arrivée la fournée principale de la 5ème mission à Concordia. Le DC3, effectuant sa huitième venue à Concordia depuis le début de la campagne d'été nous a apporté 8 compagnons d'hivernage, nous voilà presque au complet, nous attendrons encore pour la fin décembre les deux derniers collègues. J'étais surpris car ils avaient tous l'air en pleine forme ! Contrairement à moi à mon arrivée : j'étais complètement cassé ! J'ai ensuite compris. En créant les comptes méls de chacun (ils étaient tous pressés d'écrire à leur famille), j'ai discuté un peu plus longuement avec Denis, le futur astronome de la mission (la cinquantaine, cheveux blancs, très sympa, discret). Il m'a détaillé le voyage qu'il a effectué, légèrement différent du nôtre.

Tout d'abord, Denis et ses collègues ont effectué le même vol commercial que j'avais effectué jusqu'à Christchuch en Nouvelle-Zélande. Ensuite, ils ont volé à bord d'un C130 (plus petit que le C17 que j'avais pris). Ils ont donc mis 8h (contre 4h pour le C17) à rejoindre l'Antarctique. Ils ont rejoint les côtes, non pas prêt de la base américaine Mc Murdo, mais à la station italienne Mario Zucchelli. En effet, à Mario Zucchelli, les avions atterrissent sur la banquise préparée à cet effet. A la fin de la saison, peu avant la débâcle, les avions ne peuvent donc plus rejoindre cette base (plus de banquise, plus de piste !). Plus fragile, la glace de mer ne permet pas au C17, plus gros porteur, d'atterrir. Pour cette raison je faisais parti du voyage à destination de Mc Murdo, sur l'ice-shelf de Ross où la glace est épaisse de plus de 50 m. La station Mario Zucchelli est charmante. Située au bord de la mer, on peut y admirer, icebergs, montagnes, quelques phoques et manchots adélies de passage et le volcan Melbourne non loin de là. Cet été, l'activité de la base est réduite au strict minimum, c'est-à-dire la logistique vers Concordia. Les réductions budgétaires du gouvernement italien empêchent toute activité scientifique et appui supplémentaire. C'est d'ailleurs la première année où le navire polaire italien l'Italica ne rejoint pas la Baie de Terra Nova. Il restera bloqué au port de Ravennes, en péninsule italienne...

Mes collègues ont attendu presque deux jours sur cette base (durant lesquels ils ont pu constater la baisse d'activité : une trentaine de personnes étaient seulement présentes, contre le double habituellement). Deux jours d'attente pour faire la queue afin d'avoir de la place dans le DC3 qui les a emmenés finalement jusqu'ici, en grande forme après avoir récupéré du manque de sommeil et du décalage horaire de leur voyage précédent.

Néanmoins, cela ne les a pas empêché de souffrir des maux classiques du à l'arrivée : souffle court, mal de tête... Au repas de ce soir, assis en face de moi, Massimiliano (le futur responsable de la centrale électrique et le chef technique) a brutalement saigné fortement du nez ! Cela parfois arrive, cela fait aussi parti des symptômes.

L'avion précédent avait emporté avec lui quelques campagnards d'été (dont les responsables des télécom, soient mes chefs) et deux hivernants de la DC4. Ce fut un moment d'émotion, de les voir partir d'ici après qu'ils y aient laissé un an de leur vie. Je me rappelle encore de leurs mains crispées contre le hublot du DC3, moteurs vrombissants prêt à partir... Ils étaient vraiment sympas. Au revoir Daniele, au revoir Lucia,...

Place à la DC5.

Jonathan.

CONCORDIA - 2008/12/05 23:42
Temp=-30.7°C WindChill=-35°C RH=71% P=641.4hPa Wind=1.2m/s SSW